Toshikazu Kawaguchi : Tant que le café est encore chaud

Chez Funiculi Funicula, le café change le cœur des hommes.

À Tokyo se trouve un petit établissement au sujet duquel circulent mille légendes. On raconte notamment qu’en y dégustant un délicieux café, on peut retourner dans le passé. Mais ce voyage comporte des règles : il ne changera pas le présent et dure tant que le café est encore chaud.
Quatre femmes vont vivre cette singulière expérience et comprendre que le présent importe davantage que le passé et ses regrets. Comme le café, il faut en savourer chaque gorgée.

Roman fantastique japonais de Toshikazu Kawaguchi. Titre original : Kôhî ga semenai uchi ni. Traduit du japonais par Miyako Slocombe. 229 pages. Version française aux éditions Albin Michel.

Par sa force d’âme, l’homme peut surmonter la plus douloureuse des réalités. Cette chaise ne change peut-être pas le présent, mais si elle change le coeur des hommes, c’est qu’elle a sûrement une signification importante…

Pour être tout à fait honnête, je n’aurais jamais lu ce livre de moi-même. J’aime bien la littérature japonaise, mais elle m’a toujours laissé un goût d’inachevé, de superficialité. C’était sans compter la super équipe du forum livresque Livraddict, sur lequel je suis un peu active, qui organise mensuellement un club de lecture autour d’un thème et d’un livre. C’était la première fois que j’y participais, et je n’ai pas été déçue. Je vous invite, si vous aimez parler lecture et participer à des challenges, à rejoindre la communauté ! Je disais donc : je suis peu coutumière de la littérature japonaise, à deux tentatives près (Pluie Noire de Masuji Ibuse et Dites-nous comment survivre à notre folie de Kenzaburô Oe, pour les connaisseurs.ses), qui avaient été franchement moyennes. J’ai donc lu Tant que le café est encore chaud d’un oeil très critique mais surtout, nouvellement paré de connaissances de bases sur la culture japonaise puisque j’ai étudié la langue pendant deux ans. Cela a fait une grande différence dans ma manière de percevoir le livre et j’ai pu, finalement, l‘apprécier au point d’avoir envie de lire la suite !

Si je devais utiliser un mot pour qualifier ce roman, je dirais mignon. Il n’est pas lyrique, il n’est pas grandiloquent, l’univers qui se veut fantastique n’est ni des plus creusés ni des plus atypiques… mais il est mignon. C’est un véritable livre « feel-good« , mais pas au sens auquel on l’entend généralement. Le pitch est simple : boire un café au Funiculi Funicula, établissement tokyoïte, permettrait de remonter le temps. Si ce n’est pas ici un livre de science-fiction, c’est que l’auteur donne des règles précises au voyage temporel afin d’éviter les écueils classiques : 1) quoi qu’il se passe, le présent ne changera pas, et 2) le voyage dure tant que le café est encore chaud. Pourquoi ? Ce n’est jamais expliqué (pas dans ce tome en tous cas) car le devant de la scène n’appartient pas au pourquoi du comment, mais à quatre femmes, quatre clientes du café, qui vont faire le choix de remonter dans le temps l’espace de quelques instants. C’est très léger, très doux, et cela se lit miraculeusement vite.

Je qualifierais également ce livre de typiquement japonais. Maintenant que je sais un peu la politesse et la froideur qui règlent les rapports sociaux au pays du soleil levant, je comprends mieux ce côté « détaché ». Le narrateur, à la troisième personne, renforce cette impression de distance, presque d’atténuation, comme si on regardait la scène avec un casque sur les oreilles et des lunettes teintées. L’impression de douceur dont je parlais plus tôt vient aussi de ça. Par conséquent, il est un peu difficile de s’impliquer émotionnellement dans le texte. Les sentiments des personnages ne sont évoqués que très superficiellement et donnent au roman un côté un peu terre-à-terre qui m’a déplu et qui tranche franchement avec le fait que ce soit un roman fantastique. Mais les scènes et les dialogues paraissent être typiques de la culture japonaise et j’ai tout de même su apprécier cet aspect.

J’ai beaucoup accroché à l’intrigue. Je me suis attachée non seulement aux personnages mais à leur caractère et à ce qu’ils m’évoquaient. Même si le concept de voyage dans le temps est franchement redondant voire répétitif, on ajoute à chaque fois une couche de tranche de vie qui, je pense, déroule le roman dans le bon sens. Les personnages grandissent et évoluent beaucoup d’un chapitre à l’autre, et j’ai beaucoup apprécié cet aspect un peu « feuilleton ». Enfin, j’ai trouvé le roman « cyclique » grâce aux dernières pages, qui me donnent un peu l’impression de boucler la boucle et que le roman se suffirait à lui-même. Ce qu’il semble avoir manqué aux lecteurices de mon club de lecture, peut-être habitué.es aux romans fantastiques ou de science-fiction, c’est une explication. Un pourquoi du comment. Les règles du café paraissent grotesques, mais elles sont prises comme un acquis au début du livre et ne sont jamais ni discutées, ni expliquées. Pour ma part, j’ai rapidement compris que ce n’était pas le sujet du roman : le voyage dans le temps est pour moi plutôt un prétexte pour l’auteur pour faire passer son message. Ainsi, je n’ai pas spécialement ressenti de mystère au cours de ma lecture, et la non-réponse aux questions soulevées ne m’a pas gênée.

En revanche, il existe un deuxième tome, intitulé Le café du temps retrouvé, qui apparemment répond à toutes les questions que ce tome ignore complètement et que je me ferai un plaisir de lire. Je me suis de plus attachée aux personnages (malgré la distance toute japonaise qui est automatiquement posée entre eux et nous) et je me ferais un plaisir de les retrouver dans un autre opus. Il existe aussi un troisième tome, qui pour l’instant n’est traduit qu’en langue anglaise.

Pour conclure, ce livre est un petit bouquin sympathique qui vous fera passer le temps. L’histoire a une morale, implicite certes, mais qui n’est pas moralisatrice. Quatre histoires se succèdent, toutes impliquant des voyages dans le temps. Grand amateurs de SF, passez votre chemin, Tant que le café est encore chaud risque de vous frustrer. Lecteurs de littérature contemporaine, amants de la littérature japonaise, adorateurs des histoires sans prise de tête : foncez sans hésiter !


Koshikazu Kawaguchi est un auteur japonais originaire d’Osaka. Son roman Tant que le café est encore chaud s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires au Japon et est un bestseller international.